Dernière édition : 26 septembre 2016
C’est dans ce coin paumé, que les arrières grands-parents de Richard étaient venus s’installer après avoir quitté le Poitou. « A l’époque, on leur avait attribué ces terres en contrepartie du défrichement. Quand j’étais petit, il y avait encore une école dans le village. Il n’y avait pas beaucoup de familles mais toutes avaient de nombreux enfants. Avec mes sept frères et sœurs, les neuf enfants d’un voisin et les 12 d’un autre, nous remplissions l’école ! »
Mais les temps ont changé, les enfants devenus adultes sont partis. Il n’y a plus d’épicerie, plus d’école, plus rien à part quelques maisons.
Et il y a lui, Richard, l’homme qui murmure non pas aux oreilles des chevaux mais celles des …. ours. Sa belle histoire a débuté il n’y a pas tout à fait 20 ans. Richard travaillait comme guide pour des chasseurs américains. « Pas longtemps, je ne supportais pas ! » lance-t-il dans un cri de cœur. Rapidement, il songe à emmener des gens pour leur permettre de prendre des photos des ours plutôt que de les tuer.
C’est alors qu’un ourson abandonné croise son chemin alors qu’il fait des travaux en forêt. « Aucune ourse n’avait adoptée cette petite femelle qui cherchait alors notre compagnie, » se souviennent Richard et son épouse Vivianne . Quelle ne fut leur surprise lorsque, trois printemps plus tard, la petite ourse revient avec deux oursons. « C’était comme si elle avait voulu nous les présenter ! »
Un de ses bébés, c’était Patch. Il est devenu énorme avec les années ! Au bout de trois ans, il était bien plus grand que moi ! C’était toujours impressionnant lorsqu’il se dressait en face de moi pour me renifler ! Il était le mâle dominant parmi les ours qui vivaient dans le secteur. Lorsqu’il s’est fait tuer (chaque chasseur peut tuer un ours par an), un autre mâle dominant est venu. C’était un ours que je ne connaissais pas mais je lui ai tout de suite parlé : okay, tu es le boss maintenant, tous les autres sont partis alors nous devons faire amis ! »
Incroyable, non ?
Le secret de Richard ? « Il faut avoir la bonne position et bien observer. Si l’ours a les oreilles dressées, cela signifie qu’il est amical. Je lui parle alors doucement mais avec fermeté, je le laisse me renifler. Mais s’il aplatit ses oreilles, se roule en boule, il ne faut surtout pas lui montrer qu’on a peur mais lui gueuler dessus et foncer vers lui ! C’est d’ailleurs ce que vous devez faire si un ours croise votre chemin lors d’une randonnée. »
Bon, nous préférons aller à la rencontre des ours noirs en compagnie de Richard.
Vers 18 heures, nous embarquons dans un vieux bus conduit par Viviane, qui nous emmène jusqu’à l’observatoire construit par Richard au cœur de la forêt. Les ours doivent être affamés, puisqu’ils semblent attendre le vénérable véhicule. Pendant que Richard les distrait, nous grimpons rapidement en haut du grand mirador, une place de choix pour contempler le surprenant spectacle qui se déroule quelques mètres en-dessous.
Richard cache de la nourriture dans des troncs creux, sous des branches, en accroche dans les arbres pour obliger les ours à faire un effort pour se nourrir.
Pommes, cacahouètes (les vieux urplus des distributeurs dans les cafés), un peu de viande. « Ils n’en ont pas vraiment besoin mais comme ils savent que je les nourris, ils reviennent volontiers. Cela me permet d’organiser tous les jours ces sorties, qui sont mon gagne-pain en été. Chaque semaine, ils engloutissent 1500 kg de pommes; pendant les 6 dernières semaines avant leur entrée en hibernation, ils prennent environ 30 kg »
Ce soir là, cinq adultes viennent se servir à la « table de Richard » pendant que sept oursons font les fous dans les arbres, au plus grand bonheur des visiteurs. Un grognement féroce d’en bas nous rappelle qu’il s’agit d’animaux sauvages et point de peluches. Viviane n’a-t-elle pas peur parfois pour son mari, d’autant que Richard retourne souvent le soir après la visite des touristes pour observer encore ses ours. Elle hausse les épaules : « Regardez-le, petit et un peu rond, il leur ressemble un peu, non ? D‘ailleurs, déjà sa maman l’appelait « mon ours » ! »
Les yeux encore plein de ce spectacle insolite, nous reprenons notre route vers le nord. « Faites attention aux orignacs, c’est l’heure à laquelle ils sortent des bois », nous conseille encore Richard.
Mais à part de nombreux panneaux avertissant de leur possible présence, nous n’en voyons aucun. Dommage….
Nous faisons étape à Miramichi. Nous arrivons de nuit, impossible d’explorer la ville. Mais comme partout ailleurs, l’accueil à l’hôtel est chaleureux et, dans le réfrigérateur de la chambre, des fraises recouvertes de chocolat sont une délicate attention !
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