Guernesey, un petit bout de France dans la couronne britanique

Victor Hugo les décrivait comme «des morceaux de France tombés dans la mer et ramassés par l’Angleterre». Elles ont leur propre monnaie, elles forment deux états qui ne font pas partie du Royaume-Uni mais dépendent directement de la couronne britannique, laquelle nomme leurs bailllis (leurs chefs de l’état-civil), elles sont plus proches de la Normandie que de l’Angleterre. Et, avouons-le, nous Français ne savons pas trop ni ce qu’elles sont.

Voici donc moult raisons pour découvrir les îles anglo-normandes de Jersey et Guernesey, et de s’attacher ici à la moins connue des deux, Guernesey, avec ses trois îlots, Sark (Sercq), Alderney (Aurigny) et Herm.

Victor Hugo, l’écrivain exilé par Napoléon III y vécu de 1856 à 1870. Sa maison, Hauteville house, est à Saint-Peter-Port. Derrière la façade austère de pierre blanche, se cache une incroyable ode à l’imagination tourmentée de son occupant, toute de lambris sombres, gothique et romantique, excentrique et extravagante.

Les pièces débordent de sculptures à la symbolique cachée digne de l’amateur de spiritisme qu’était l’écrivain. Ainsi, la galerie de chêne, mêlant chambre et cabinet de travail; à la tête du lit à baldaquin se trouve une tête, visage d’un côté, tête de mort de l’autre. Memento mori…
Paradoxalement, Victor Hugo n’utilisait pas cette chambre, il dormait dans une toute petite pièce sous les toits.

 

 

 

On le sait moins mais Auguste Renoir séjourna également sur l’île, en 1883. Il y a peint une quinzaine de tableaux montrant les différentes nuances de la Manche et des rochers depuis la baie de Moulin Huet. Un parcours permet de découvrir chacun des paysages qu’il a saisis.

Célébrer les 80 ans de la libération… le 9 mai

Autre étrangeté, elles sont le seul territoire des îles britanniques à avoir été occupé par l’Allemagne. L’armée allemande y a d’ailleurs construit des fortifications du Mur de l’Atlantique. Guernesey est ainsi riche en lieux emblématiques de la Seconde Guerre mondiale, à commencer par un hôpital souterrain allemand, qui pouvait accueillir 800 blessés.
Ou encore Fort Hommet. Construit au XIXe siècle, renforcé par les Allemands, il abrite un mini-musée retraçant les conditions de vie des soldats allemands… ainsi qu’un étonnant autel du Sacré-Cœur réalisé en coquillages.
À noter qu’à Guernesey on célèbre la victoire le 9 mai. En effet, les soldats allemands ne se sont rendus que le lendemain de la capitulation de l’Allemagne.

À deux brassées de Saint-Pierre-Port, Sercq est idéale pour déconnecter. Ici, le seul véhicule à moteur est le tracteur qui transporte les passagers du port jusqu’à la «ville» et sa rue principale, The Avenue, petite allée de terre battue.

À vélo, à pied ou en calèche, on part découvrir les chemins champêtres. Ce petit bout de terre de 5 km² offre des prés verts et paisibles, une profusion de rhododendrons, camélias et hortensias grâce à la douceur de son climat, une côte découpée où falaises et criques de sable blanc alternent.

 

 

 

On devrait d’ailleurs plutôt parler de deux petits bouts de terre, avec la grande Sercq et la petite Sercq, reliées par la Coupée, un isthme de quelques mètres de large bordé par des falaises à pic.
Sans éclairage public, loin de la pollution lumineuse, Sercq est la première île du monde à être labellisée «réserve de ciel étoilé».

À ne pas rater, la Seigneurie, élégant manoir du XVIIIe siècle. Elle est aujourd’hui encore la demeure du seigneur de l’île: dernier état féodal d’Europe, Sercq n’est devenu une démocratie qu’en… 2008!

La simple lecture des cartes de Guernesey et Sercq montre combien les îles ont gardé une identité normande très forte. Route de la Croix au Baillif, les Varioufs, routes de Cornus ou du Camp du Roi, rue du Dos d’âne, Landes du Marche, le Long Pierre, le Crocq, baie La Grande Havre, Table des Pions et Torteval se succèdent à Guernesey.
À Sercq, on musarde entre les noms Rouge Terrier, Port à la Jument, Port du Moulin, l’Eperquerie, Grève de la Ville et Grande Grève, rue des Lâches (!), La Coupée, Bec du Nez, rue du Sermon…

Décidément, les îles anglo-normandes sont uniques…